En souhaitant racheter le fabricant d’objets connectés Fitbit, Google a décidément provoqué de nombreuses craintes. Le projet d’acquisition est au point mort depuis plus d’un an. Et désormais, l’ONG Amnesty International veut faire pression.
Le fervent défenseur des droits de l’Homme a écrit à la Commission européenne, principal acteur à bloquer le rachat, et en pleine enquête « approfondie » depuis le mois d’août.
« Le modèle commercial de Google incite l’entreprise à rechercher en permanence plus de données sur plus de personnes à travers le monde en ligne et dans le monde physique. La fusion avec Fitbit est un exemple clair de cette approche expansionniste de l’extraction de données, permettant à l’entreprise d’étendre sa collecte de données au secteur de la santé et des appareils portables » disait l’ONG dans sa lettre à la Commission de Bruxelles.
Cette « atteinte aux droits de l’homme » qualifiée par Amnesty International n’est pas abordée de la même façon dans l’enquête européenne. Les blocages en cours de l’accord découlent principalement de problèmes commerciaux. Forcément, en touchant aux données personnelles, les sujets d’économie et de confidentialité vont de pair. Mais dans un contexte où les GAFA sont pointés du doigt pour leur puissance démente, la Commission européenne ne pourrait peut-être pas passer autrement que par justification antitrust.
Les régulateurs européens ont rappelé cet été leur préoccupation autour du gain de puissance de Google dans ses publicités et sa recherche ciblée. Fitbit est une entreprise qui collecte de nombreuses données sur ses clients (de santé, de localisation, mais également d’activité bancaire avec Fitbit Pay), et Google pourrait en profiter pour d’autant plus gagner en puissance dans son activité du plus grand gestionnaire de publicité sur internet.
Dénouement en approche
Comme le jugeaient nos confrères d’Axios en octobre, Google-Fitbit n’est pas la fusion technologique la plus importante de l’année, mais il s’agit de loin de la plus délicate. Après plus d’un an de blocage, Fitbit continue son activité en totale indépendance et ses montres se vendent bien. L’Europe n’est pas seul dans le blocage : la réponse des régulateurs américains est également attendue.
L’échéance européenne est attendue entre le 23 décembre et le 8 janvier prochain. Certains planchent sur un dénouement au début d’année prochaine quand d’autres sont plus optimistes sur le calendrier.
Le mois dernier, Google a voulu montrer à tous que les enquêtes se devaient de s’accélérer. Pour cela, des « concessions » ont été faites : Reuters rapportant que la firme de Mountain View avait donné sa promesse pour que les données de Fitbit puissent également être utilisées par des services tierces en l’accord des utilisateurs, et que ces données pour Google n’allaient en aucun cas lui servir à des fins commerciales et publicitaires.
Plus osé encore, Google a brossé dans le sens du poil les craintes en allant jusqu’à évoquer un intérêt d’une telle fusion pour stimuler la concurrence. « Le marché des wearables est saturé, et nous pensons que la combinaison des efforts de Google et de Fitbit en matière de matériel augmentera la concurrence dans le secteur, ce qui profitera aux consommateurs et rendra la prochaine génération d’appareils meilleure et plus abordable », déclarait un porte-parole.
Silence à la Commission
Contacté par Tech Crunch au sujet de la lettre d’Amnesty International l’encourageant à s’opposer à la fusion, la Commission européenne n’a pas souhaité faire de commentaire. Les régulateurs ont précisé qu’une réponse serait donnée « en temps voulu ».
En dehors du problème de Fitbit, son pouvoir de décision sur l’acquisition peut être aussi vu comme une négociation indirecte entre Google et l’Europe pour éviter que le géant américain ne bannisse d’autres constructeurs de smartphones de la licence Android et des services Google (référence à Huawei).
En reste qu’un refus d’accord serait historique. En Europe, aucune acquisition n’a déjà été refusée dans le milieu des technologies du numérique. Google et Fitbit pourraient en être les premiers, et loin d’en être un petit. Le montant déboursé par Google est prévu à 2,1 milliards de dollars.
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